Emeutes de la faim : En 1974 Henri Kissinger avait préconisait de réduire la population mondiale par la faim (English version)
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La guerre démographique des Etats-Unis
Par Solidarité et progrès
Le 3 fevrier 2006
Avant le milieu des années 60, des concepts tels que la rareté des ressources naturelles, la croissance nulle et l'explosion de la démographie, n'avaient aucune influence sur la plupart des américains. Ces idées étaient soutenues par le noyau dur de l'élite néo-malthusienne américaine. La plupart des américains moyens pensaient que le choix du nombre d'enfant était question de moralité et de mœurs personnelles. Aussi, la plupart des gens à l'époque pensaient à raison - avant qu'ils ne soient convaincus par les brigades qui militent en faveur d'une croissance nulle - que la science et la technologie permettaient de soutenir une croissance continue de la population mondiale.
L'idée qu'il y avait une crise de la démographie, ou que le gouvernement américain devrait intervenir pour réguler le nombre de naissances, aussi bien sur le territoire qu'à l'étranger, eut été reçu comme autant de scepticisme que d'horreur. Par ailleurs, beaucoup d'américains soutenaient qu'il était de la responsabilité des Etats-Unis d'étendre leur prospérité aux personnes les plus démunies de la planète, un engagement à l'origine du Plan Marshall d'après guerre, de la reconstruction du Japon et de l'Alliance pour le Progrès (Alliance for Progress) du président John F. Kennedy.
Du fait de l'influence de la force de l'opinion publique concernant ces questions, le président Dwight Eisenhower refusa de mettre en œuvre les recommandations d'une commission qu'il avait nommée pour enquêter sur les questions de démographie mondiale. « Le contrôle des naissances n'est pas de notre compétence, » affirma-t-il. « Je ne puis imaginer un quelconque sujet qui relève moins de la politique propre du gouvernement (...) ou de sa responsabilité. »
Eisenhower n'était pourtant pas personnellement opposé à la « planification de la famille ». Quelques années après son mandat, il rejoint la Fédération de planification familiale (Planned Parenthood). Alors, interprétant avec discernement l'opinion publique, il décida que s'il impliquait le gouvernement dans la question très personnelle de la reproduction, il provoquerait une tempête sur l'échiquier politique.
Son successeur, John F.Kennedy, s'opposa également au financement par le gouvernement de la « planification familiale », sur la base que de telles mesures pourraient « sembler favoriser la limitation des naissances des personnes de couleur, dont la population s'accroît plus vite aux Etats-Unis que nulle part ailleurs dans le monde. » (Malheureusement, Kennedy autorisa le Département d'Etat à déclarer officiellement que les Etats Unis étaient concernés par l'accroissement de la population dans les pays en voie de développement).
La guerre démographique des Etats-Unis
Mais ce point de vue allait changer radicalement en l'espace de quelques années. Avec l'assassinat de John Kennedy, les Etats-Unis commencèrent à subir un profond changement de politique, rejetant l'investissement dans l'industrie, l'infrastructure et la recherche et développement, qui avait transformé le pays d'un régime colonial stagnant en un géant industriel en quelques centaines d'années. Plutôt qu'une croissance économique guidée par un vecteur scientifique et technologique, les élites américaines favorisèrent le canular que constitue la société « post-industrielle » - l'équivalent économique du nouvel age des ténèbres - qui a conduit fatalement les Etats-Unis vers l'actuel effondrement économique.
Pour justifier ce changement radical, une nouvelle idéologie fut crée - l'idéologie « Halte à la croissance ». Les experts décidèrent du jour au lendemain que les ressources de la terre s'épuisaient et que la raison principale de cet épuisement était « la bombe démographique ». Ils prétendaient que si l'humanité ne ramenait pas ses taux de reproduction à zéro ou moins, particulièrement dans les pays en voie de développement, alors l'humanité était condamnée. Cette absurdité pseudo-scientifique autorisa un volte-face dans la politique démographique américaine.
Au début des années 60, le lobby du contrôle de la population lança une croisade en vue de réduire la population mondiale, particulièrement les races de couleur dans le tiers monde et aux Etats-Unis même. Une série de nouvelles associations - telle que Croissance de population zéro (Zero Population Growth), le Comité de crise de la population (Population Crisis Committee) et la Campagne pour freiner l'explosion de la population (Campaign to Check the Population Explosion) - émergea. Avec la complicité des principaux médias et dirigeants politiques (parmi eux, le congressiste Georges Bush), ils submergèrent la population de récits terrifiants sur « la bombe démographique », prétendirent que la quantité de ressources naturelles n'était plus suffisante pour tolérer toute augmentation de la population humaine et réclamèrent du gouvernement qu'il prenne les mesures restrictives nécessaires contre la race humaine.
Ces éléments clés de la campagne ne se contentèrent pas seulement de revendiquer des mesures brutales pour limiter l'accroissement de la population ; ils revendiquèrent également l'arrêt de tout progrès économique. Paul Ehrlich, auteur de l'infâme Population Bomb, recommandait dans son Population, Resources, Environment : Issues in Human Ecology (Population, Ressources, Environnement : problèmes de l'écologie humaine) (1970) qu'« une campagne de grande ampleur doit être lancée pour restaurer la qualité de l'environnement en Amérique du Nord et pour dé-développer les Etats-Unis. Dé-développer signifie adapter notre système économique (particulièrement les modèles de consommation) aux réalités écologiques et à l'état des ressources mondiales. Cette campagne serait amplement politique, surtout si l'on considère la surexploitation de nos ressources mondiales, mais la campagne devrait être largement accompagnée de lois et d'actions de boycott contre les pollueurs et contre toute autre activité de dégradation de l'environnement. »
Sous l'impulsion du lobby de la démographie, la politique des Etats-Unis changea radicalement. On cessait l'aide au tiers monde, dont le but était de favoriser le développement économique de ces pays afin qu'ils puissent subvenir aux besoins de leur population en expansion. Le but était dès lors de détruire leur potentiel de vie. Il n'était plus tabou de promouvoir le contrôle des populations, comme cela l'était en 1959 ; désormais, il était tabou de s'y opposer ! Plutôt que d'exporter des technologies vers le tiers monde, le gouvernement américain, en collaboration avec l'Agence pour le développement international et une multitude d'organisations privées telles que la Fédération internationale pour la planification de la famille (International Planned Parenthood), commencèrent à réorienter une proportion sans précédent de fonds étrangers vers des organismes de contrôle des naissances, et vers les techniques d'avortement et de stérilisation, la plupart d'entre elles étant réalisées sous contrainte, comme en Asie, en Afrique et en Ibéro-Amérique.
Sur le territoire, sous l'influence de la stratégie du « dé-développement » d'Ehrlich, de l'argent était investi dans des régions pauvres habitées par les minorités en faveur de cliniques de « planification familiale », où toute sorte d'abus était pratiqués, comme la stérilisation forcée. Reimert T. Ravenholt, qui dirigea pendant 15 ans l'Agence américaine pour le développement international (AID) à partir du milieu des années 60, résuma l'esprit de cette campagne de la sorte : « Personne ne devrait se reproduire au-delà de sa capacité à élever sa progéniture. » dit-il à Peter Donaldson, auteur de Nature Against Us (La nature contre nous). « Si une famille pauvre désire avoir des enfants et élever des enfants au-delà de toute autre considération, je pense que c'est leur droit du moment de les élever. Mais je suis fortement opposé au fait que des gens pauvres se reproduisent au-delà de leurs moyens et demandent ensuite à leur voisin, « il faut que vous vous occupiez de ces enfants, parce que j'en suis incapable. » »
Le gouvernement américain devint rapidement le principal investisseur des programmes de contrôle de la population dans les autres pays, en avançant l'idée que l'aide financière et matérielle américaine dépendrait de la volonté du pays à restreindre son taux de reproduction. Selon Donaldson, les fonds américains en faveur du contrôle de la population sont passés de 2.1 millions de dollars en 1965 (15.4% de l'aide étrangère américaine totale) à 185 millions de dollars en 1980, ce qui représente plus de 50% de l'aide étrangère américaine. Mais cela ne reflète pas totalement la quantité réelle d'argent issu des coffres du gouvernement américain investi dans les efforts à réduire les taux de reproduction de la population dans le secteur en développement.
Entre 1981 et 1989 - les années de l'administration « pro-vie » Reagan-Bush - l'AID consacra 3 milliards de dollars aux activités de contrôle de population, plus de trois fois le montant dépensé pendant les 15 années antérieures, depuis que les Etats-Unis ont commencé à financer de telles mesures. Selon un rapport récent de l'AID, l'agence fournit environ 75% des contraceptifs dans les pays en voie de développement, ce qui inclut les contraceptifs oraux, les préservatifs, la stérilisation chirurgicale et 50 millions de stérilets . Le même rapport vante le fait que l'AID finance des programmes de réduction de population dans 95 pays en voie de développement, 45 d'entre eux en Afrique sub-saharienne.
Toutefois, ces dépenses ne traduisent par toute l'ampleur de la volonté du gouvernement américain de réduire la croissance des populations. Comme le signale Donaldson, des sommes colossales ont été déboursées par des agences privées américaines, dirigées par les fondations Ford et Rockfeller et le Conseil de Population , en faveur de programmes de contrôle démographique dans les pays étrangers. Il documente le fait que le gouvernement américain avait passé un accord officieux avec ces institutions privées pour qu'elles deviennent publiquement leader des programmes de réduction de population dans le tiers monde, dans le but de protéger Washington des critiques de la population. Un rapport de l'AID sur les difficultés d'une implication directe du gouvernement dans le financement de campagnes de réduction de population, commente : « Une aide directe du gouvernement américain pourrait engendrer (...) d'indésirables (...) affrontements politiques ».
En décembre 1968, l'administrateur de l'AID Rutherford Poats, écrit à John E. Moss qu'un comité consultatif « d'experts de haut niveau en questions de population et de maîtrise de la fertilité ont grandement affirmé la nécessité que (...) l'AID essaie de tenir à l'écart de l'opinion, de la presse et de la politique en Amérique latine, les programmes de contrôle des naissances. Ils ont recommandé que l'on dirige notre aide autant que possible vers des intermédiaires privés telle que la Fédération internationale pour la planification de la famille (International Planned Parenthood Federation), le Fonds pathfinder (Pathfinder Fund), le Conseil de la population (Population Council) et vers des agences internationales telles que les Nations Unies. (...) Ils ont particulièrement déconseillé de révéler que le gouvernement américain a un programme démographique pour l'Amérique latine. »
Henry Kissinger fut plus explicite dans un document confidentiel qu'il rédigea en 1974, alors qu'il était conseiller à la sécurité nationale du président Ford. Dans ce National security study memorandum 200 (rapport sur la sécurité nationale), Kissinger écrit : « Il y a également le danger que les dirigeants des pays les moins développés considèrent les motivations des pays riches pour la réduction des populations comme une forme d'impérialisme économique ou racial ; cela pourrait créer de sérieuses répercussions. » Il ajouta donc : « Il est vital que les dirigeants des pays les moins développés ne voient pas, dans la volonté de développer et de renforcer un engagement de leur part [pour la réduction de population], une politique des pays industrialisés pour maintenir leur pouvoir ou pour détourner les ressources naturelles en faveur des pays 'riches'. Une telle perception pourrait créer de sérieuses répercussions défavorables au projet de stabilité des populations. »
Surpopulation ou mainmise sur les ressources naturelles ?
Le lobby du génocide aux Etats-Unis à mis en œuvre tous les moyens de propagande et de persuasion à leur disposition pour revendiquer le fait que son unique motivation à promouvoir le contrôle des populations est la santé et le bien-être des peuples du tiers monde. Selon la ligne officielle, les Etats-Unis craignent que le tiers monde soit incapable de développer son économie s'il ne restreint pas la croissance de sa population, et sont soucieux de l'oppression que vivent les femmes du tiers monde du fait d'un trop grand nombre d'enfants. Cette idée n'est que diversion, pour ne pas dire hypocrisie de la pire espèce. La vérité est que puisque que les Etats-Unis avaient adopté une politique de croissance nulle, il s'ensuivit inévitablement qu'ils empêcheraient toute puissance étrangère de se développer à un point qui pourrait remettre en question la suprématie impériale de Washington. « Nous avons décidé de ne pas nous développer, alors vous ne pouvez pas non plus » a été le message de Washington depuis le milieu des années 60. Et il s'agit d'un message, cela doit être souligné, qui était adressé aussi bien aux pays du tiers monde qu'aux pays industrialisés, tels que le Japon et l'Allemagne, qui ont refusé de suivre les Etats-Unis dans leur politique économique et scientifique suicidaire.
La véritable motivation qui se cachait derrière la politique américaine de contrôle des populations était mise à nue dans une série de trois rapports secrets du Conseil de sécurité nationale, écrits par deux conseillers à la sécurité nationale successifs, Henry Kissinger et Brent Scowcroft (anciennement conseiller à la sécurité nationale de George Bush), entre 1974 et 1976. Le secret sur ces documents n'a été levé que récemment. Le premier, paru le 10 décembre 1974, s'intitule National Security Study Memorandum 200 : Implications de la croissance de la population mondiale sur la sécurité des intérêts américains outre mer. Le second, National Security Decision Memorandum (NSDM 314), paru en 1975, devait établir les lignes d'application de cette nouvelle politique : l'on décidait pour ainsi dire de « passer à l'acte ». Le troisième, First Annual Report, paru en 1976, faisait état des progrès accomplis leur mise en œuvre de cette stratégie. Ainsi il devint soudainement évident que la cause première de l'attaque menée contre les populations du tiers monde était la volonté de la part des américains de maintenir leur accès aux matières premières bon marché, et d'éviter que tout pays du tiers monde ne devienne une puissance mondiale.
Concernant le problème des ressources naturelles, on lit dans NSSM 200 : « La localisation des réserves connues de minerai de qualité supérieure accentue une dépendance croissante de toutes les régions industrialisées sur les imports en provenance des pays les moins développés. Les véritables problèmes d'approvisionnement en minerai ne consistent pas en une simple question d'abondance physique, mais en une question politico-économique d'accès en terme d'exploration et d'exploitation, et de division des profits entre producteurs, consommateurs et gouvernements des pays hôte. »
Traçant une connexion directe entre croissance de population et revendication pour un accord plus équitable sur la distribution des matières premières du tiers monde, le document continue : « Des concessions aux pays étrangers peuvent être vues comme de l'expropriation ou une intervention arbitraire. Aussi bien à travers l'action du gouvernement, des conflits ouvriers, du sabotage, ou des émeutes civiles, le flux régulier des matières premières nécessaires sera mis en péril. Bien que les problèmes de population ne soient pas les seuls facteurs impliqués, ce genre de perturbations est moins probable sous les conditions d'une croissance lente ou nulle de la population. Par conséquent, la réduction de la population dans ces états est une question vitale pour la sécurité nationale des Etats-Unis.
« Quoi qui puisse être fait pour se protéger contre les interruptions d'approvisionnement (...) l'économie américaine va exiger des quantités croissantes de matières premières en provenance de l'étranger, particulièrement des pays les moins développés. Ce fait accroît l'intérêt qu'ont les Etats-Unis à la stabilité politique, économique et sociale des pays fournisseurs. Partout où une réduction de population mise en œuvre via une réduction des naissances peut renforcer l'espérance d'une telle stabilité, la politique démographique devient importante pour l'approvisionnement en ressources et pour les intérêts économiques des Etats-Unis. »
NSSM 200 a aussi exprimé la crainte de Washington que certains pays du tiers monde se développent politiquement et économiquement au point de devenir un point de ralliement contre ce qui était devenu une véritable poussée néo-colonialiste américaine. Le rapport cite 13 « pays-clé » pour lesquels il existe un « intérêt politique et stratégique américain particulier » d'imposer une politique de contrôle et de réduction de la population. La principale raison pour laquelle ces pays sont ainsi cités est que l'effet de l'accroissement de leur population est jugé apte à accroître leur pouvoir politique, économique et militaire régional et même mondial. (Les partisans de la croissance nulle proclament publiquement que l'accroissement de population enfreint le développement, mais NSSM 200 montre qu'ils savent fort bien que l'opposé est vrai.) Les 13 pays-clé identifiés par NSSM 200 sont : l'Inde, le Bengladesh, le Pakistan, le Nigeria, le Mexique, l'Indonésie, le Brésil, les Philippines, la Thaïlande, l'Egypte, la Turquie, l'Ethiopie et la Colombie. L'étude exprime une inquiétude sur le fait que même avec la mise en place de programmes de réduction de la population dans ces pays, « les taux d'accroissement de la population ont tendance à s'élever considérablement avant qu'ils ne commencent à décliner. »
Ainsi, par exemple, « le Nigeria tombe dans cette catégorie. D'ores et déjà le pays le plus peuplé du contient [africain], avec 55 millions de personnes estimées en 1970, la population du Nigeria atteindra 135 millions de personnes à la fin du siècle. Cela suggère un rôle politique et stratégique grandissant pour le Nigeria, au moins en Afrique au sud du Sahara. » Pareillement, l'Egypte : « La taille grandissante de la population égyptienne est, et restera pendant plusieurs années, une considération importante dans la formulation de beaucoup de politiques étrangères et nationales pas seulement de l'Egypte, mais aussi des pays voisins. » Comme pour le Brésil, il « domine clairement le continent [Ibéro-américain] démographiquement », rapporte l'étude, avertissant qu'en conséquence, il y aurait une « élévation du statut du Brésil en Amérique latine et sur la scène mondiale dans les 25 prochaines années. »
Le rapport NSSM 200 d'Henry Kissinger a exprimé de graves inquiétudes au sujet de la résistance que les Etats-Unis ont rencontré au sujet de leurs plans draconiens de réduction de population à la Conférence mondiale sur la population (World Population Conference) qui eut lieu à Bucarest en août 1974. Lors de cette conférence, plusieurs nations du tiers monde se sont jointes au Vatican, à la Chine et à l'Europe de l'est pour s'opposer vigoureusement à la proposition américaine d'un plan d'action mondial pour réduire la population. Washington espérait que la conférence soit un événement qui change son époque, et devint fou de rage face aux obstacles émergeant sur son chemin. Se référant à cette conférence, le rapport de Kissinger énonce : « Il y eut une consternation générale, quand au début de la conférence, le plan fut sujet à une attaque venant de 5 fronts de la part de l'Algérie, avec le soutien de plusieurs pays africains ; l'Argentine, soutenue par l'Uruguay, le Brésil, le Pérou et de manière plus limitée, d'autres pays d'Amérique latine ; le groupe d'Europe de l'est (moins la Roumanie) ; la RPC (Chine) ; et le Saint-Siège. »
Le rapport en vint à déplorer le fait que les objections au plan étaient basées sur l'idée qu'un « Nouvel ordre économique mondial » pourrait être la base d'un développement économique et social du secteur des anciennes colonies, et aussi la base du respect de la souveraineté des ces pays. Cela ferait apparaître le contrôle des populations inutile ou même dangereux, s'inquiète le rapport, se plaignant de « l'idée utopique selon laquelle le développement économique pourra résoudre le problème » de la population. Ces idées avaient déjà été développées de manière plus aboutie dans les écrits de Lyndon H. LaRouche, que Kissinger, Bush et les autres ont par la suite expédié pour 15 ans dans une prison fédérale américaine. L'effort de Kissinger pour anéantir le mouvement de LaRouche et sa campagne pour le développement économique et la justice sociale remonte à la période en question, quand l'influence de LaRouche était devenue un puissant facteur international avec lequel il fallait compter. Bien que le document du Conseil de sécurité nationale ne mentionne pas ce fait, Helga Zepp, maintenant Madame Helga Zepp-LaRouche, mena une intervention à la conférence de Bucarest autour des idées du « Nouvel ordre économique mondial », défiant personnellement l'interlocuteur John D. Rockfeller III et sa politique de réduction de population aux implications génocides.
Une suite au document NSSM 200 parut en mai 1976, toujours sous l'égide du Conseil de la Sécurité Nationale. Intitulée Premier rapport annuel sur la politique démographique internationale américaine, l'étude fut envoyée à un groupe choisi de représentants officiels de plusieurs gouvernements pour sa mise en œuvre, y compris le directeur de la CIA de l'époque George Bush. Ce document identifiait les diverses entraves politiques, religieuses et culturelles à la promotion du contrôle de la population dans le tiers monde et ébauchait une stratégie pour subvertir la résistance. Le rapport reconnut que « dans la mesure où la planification familiale est identifiée au monde occidental, particulièrement les Etats-Unis, il y a de plus grandes réticences aux planifications familiales dans certains pays. Ce facteur peut être particulièrement perceptible dans les conférences internationales dans lesquelles les pays du tiers monde tendent à joindre leurs efforts contre l'Occident, contre le capitalisme, et en faveur du 'Nouvel Ordre Economique International'. »
Par conséquent, « Il s'ensuit que nos efforts pour promouvoir la planification familiale parmi les pays non-engagés doivent être accordés aux attentes particulières de chacun de ces pays. Cela nous permet de souligner le rôle important de notre ambassadeur et de son équipe dans chaque pays en développement en terme de conseil à Washington sur la façon de mener l'action la plus efficace dans les circonstances particulières de ce pays et qu'il soit informé qu'il se doit de prendre ses propres initiatives pour parvenir à ces objectifs. » Dès lors, les programmes de population américains mirent davantage l'accent sur des opérations indirectes, qui reposent plutôt sur un plan de recrutement de politiciens indigènes et autres dirigeants, de médecins et autres personnes de la santé, pour réaliser concrètement les opérations. Cette approche est illustrée par des campagnes telles que la campagne de Johns Hopkins discutée plus haut.
NSSM 200 et ses successeurs ne laissèrent pas de doute quant au fait que les Etats-Unis useraient de mesures coercitives si la « persuasion » ne faisait pas l'affaire. Dans NSSM 200, Kissinger esquisse un scénario dans lequel l'aide en nourriture est gelée pour forcer les pays récalcitrants à accéder à la demande américaine concernant le contrôle de la population : « Il y a aussi un précédent établi pour tenir compte de la performance de la planification familiale dans l'estimation de l'aide exigée à l'AID et aux groupes consultatifs. Puisque la croissance de la population est un facteur déterminant dans l'accroissement des demandes en nourriture, l'allocation des rares ressources PL 480 devrait tenir compte du niveau atteint par le pays en terme de contrôle de la population et en terme de production de nourriture. Il est cependant important, dans ces relations sensibles, aussi bien dans la forme que dans le fond, d'éviter d'afficher tout aspect de contrainte ».
Le document de Kissinger évoque la possibilité que « des programmes obligatoires peuvent être nécessaires et que nous devrions maintenant considérer ces trois possibilités », ajoutant : « La nourriture sera-t-elle considérée comme un instrument de pouvoir national ? Serons nous contraints de faire des choix sur les pays que nous devrons raisonnablement aider, et si c'est le cas, les efforts de contrôle de la population devraient-ils être un critère pour une telle aide ? (...) Les Etats-Unis sont-ils prêts à accepter un rationnement de la nourriture pour aider les gens qui ne peuvent/veulent contrôler leur taux de reproduction de population ? »
Poser ce choix en tant que question est extrêmement trompeur, dans la mesure où les Etats-Unis ont déjà utilisé de par le passé la nourriture comme arme dans leur combat sur la population. Julian Simon raconte comment Lyndon Johnson fit en 1966 exactement ce que Kissinger évoquait huit ans plus tard. Dans son ouvrage de 1990, Population Matters, Simon écrit : « Joseph Califano [conseiller des affaires domestiques de LBJ - ed] nous dit que le Président Lyndon Johnson 'rejetait continuellement les demandes unanimes de ses conseillers (...) d'expédier du blé aux Indiens affamés pendant leur famine de 1966. Il demanda que le gouvernement indien accepte d'abord de monter un vaste programme de contrôle des naissances. Finalement, les indiens acceptèrent et Johnson délivra le blé au delà d'une période suffisamment longue pour s'assurer que le programme de contrôle des naissances avait été lancé. Et L.K. Jha, l'ex-ambassadeur d'Inde aux Etats-Unis, se souvient comment les politiques de Johnson en 1988 sont venues s'ajouter à ses [celles d'Indira Gandhi] difficultés politiques. (...) Il (...) tint l'Inde dans une attente insoutenable concernant la livraison de blé qui était désespérément nécessaire en raison de sécheresses répétées dans le milieu des années 60. En conséquence, Indira Gandhi se résolu à mettre fin aux imports de PL 480 en rendant le pays autonome en céréales. »
En réponse aux pressions américaines, le gouvernement indien institua un programme de stérilisation forcée qui contribua au renversement de Mme Gandhi. Un comble pour la prétendue attention que portent les Etats-Unis à l'instabilité politique engendrée par la croissance de la population ! Sous ce programme, des indiens furent poussés à subir une stérilisation après avoir eu trois enfants ; ils furent menacés de perdre leurs subventions pour le logement, leurs traitements hospitaliers gratuits, et leurs allocations de déplacement.
Bien que NSSM 200 et ses documents corollaires furent officiellement tenus secrets jusqu'en 1989, il y eut suffisamment de répercutions publiques de leur contenu pour permettre de conclure que le souci du rapport d'assurer aux Etats-Unis un accès aux matières premières bon marché, même si cela signifiait détruire la population des pays qui les possédaient, représentait le consensus des mouvements de contrôle de la population. Par exemple, dans des commentaires faits en 1977, Reimert Ravenholt de l'AID insista sur le fait que le contrôle de population était nécessaire pour maintenir « l'exploitation normale des intérêts commerciaux des Etats-Unis à travers le monde. (...) Sans notre tentative d'aider ces pays dans leur développement économique et social, le monde se rebellerait contre la forte présence commerciale américaine. (...) La notion de l'intérêt est un élément obsédant. »
En 1981, le Comité de crise de la population (Population Crisis Commitee), fondé par l'ami de longue date de la famille Bush, Gen. William Draper, prêchait pour une augmentation des fonds en faveur du ralentissement de la croissance de la population sur les territoires suivants : « Quelque 30 pays en voie de développement possèdent des sources de pétrole, de minerai, et d'autres ressources naturelles essentielles à l'économie et à la défense des Etats-Unis, voire occupent une position géographique stratégique importante. Les populations des ces pays doublent tous les 20-35 ans. » Dans un témoignage au Congrès en 1983, le secrétaire d'Etat de l'époque George Shultz affirma qu'« une croissance excessive de la population (...) est une sérieuse menace à long terme pour la stabilité politique et les ressources de base de notre planète. » Dans le même style, les Services internationaux pour la population (Population Services International) énoncent : « La plupart des experts sont en accord sur le fait que des famines chroniques et généralisées surviendront inévitablement si les taux de reproduction actuels restent incontrôlés. Outre la souffrance de ceux qui meurent (...) nous pouvons nous attendre à des conflits raciaux et sociaux, du terrorisme de grande ampleur, des catastrophes économiques, une baisse brutale de la production de matières premières, (...) et des guerres intermittentes pour la survie. (...) Une telle situation confrontera les Etats-Unis à de dangereux risques militaires ou de sottes embuscades telle que celle du Vietnam. (...) Nous ferons face à la perte des matières premières qui alimente notre économie. »
Et en 1989, l'Institut de population (Population Institute) organisa un briefing public affirmant que « la bataille clé dans le siècle à venir sera la concurrence pour les ressources naturelles entre l'hémisphère nord et l'hémisphère sud, plutôt que la traditionnelle confrontation - Est contre Ouest. (...) L'approvisionnement en ressources critiques et stratégiques sera de plus en plus important pour la sécurité militaire et économique des Etats-Unis. » Peut-il y avoir le moindre doute sur le fait que les programmes de stérilisation de masse imposés au Brésil, par exemple, ou la destruction sauvage de l'Irak par George Bush père (ainsi que celle planifiée par son fils), sont une implémentation de cette politique ? Et que dire de l'indifférence de l'administration américaine face à l'explosion du Sida et dans d'autres régions du monde ? Ou du déni de l'accès du tiers monde aux médicaments génériques ?
Pour lire plus sur NSSM 200
Extraits : des documents confidentiels, déclassifiés de 1974, 1975 et 1976, montrent la politique de génocide adoptée par les Etats-Unis
http://www.mondialisation.ca/index.php?context=viewArticle&code=SOL20060203&articleId=1883 (les extraits en français apparaissent au bas de la page après l’article)
http://www.monde-diplomatique.fr/1998/11/RAMONET/11315
Par Ignacio Ramonet
Directeur du Monde diplomatique de 1990 à 2008.
UN chiffre vous a peut-être échappé : les 3 personnes les plus riches du monde possèdent une fortune supérieure à la somme des produits intérieurs bruts (1) des 48 pays les plus pauvres, soit le quart de la totalité des Etats du monde...Nous savions que le fossé des inégalités s’était creusé aux cours des deux décennies ultralibérales (1979-1998), mais comment imaginer qu’il l’était à ce point ? Car on apprend également que, si « en 1960 les 20 % de la population mondiale vivant dans les pays les plus riches avaient un revenu 30 fois supérieur à celui des 20 % les plus pauvres, en 1995 leur revenu était 82 fois supérieur (2) » ! Dans plus de 70 pays, le revenu par habitant est inférieur à ce qu’il était il y a vingt ans... A l’échelle planétaire, près de 3 milliards de personnes - la moitié de l’humanité - vivent avec moins de 10 francs par jour...
L’abondance de biens atteint des niveaux sans précédent, mais le nombre de ceux qui n’ont pas de toit, pas de travail et pas assez à manger augmente sans cesse. Ainsi, sur les 4,5 milliards d’habitants que comptent les pays en voie de développement, près d’un tiers n’ont pas accès à l’eau potable. Un cinquième des enfants n’absorbent pas suffisamment de calories ou de protéines. Et quelque 2 milliards d’individus - le tiers de l’humanité - souffrent d’anémie.
Cette situation est-elle fatale ? Absolument pas. Selon les Nations unies, pour donner à toute la population du globe l’accès aux besoins de base (nourriture, eau potable, éducation, santé), il suffirait de prélever, sur les 225 plus grosses fortunes du monde, moins de 4 % de la richesse cumulée. Parvenir à la satisfaction universelle des besoins sanitaires et nutritionnels ne coûterait que 13 milliards de dollars, soit à peine ce que les habitants des Etats-Unis et de l’Union européenne dépensent, par an, en consommation de parfums...
La Déclaration universelle des droits de l’homme, dont on célèbre en décembre le 50e anniversaire, affirme : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux, ainsi que pour les services sociaux nécessaires. » Mais ces droits, pour une grande partie de l’humanité, sont de plus en plus inaccessibles. Prenons, par exemple, le droit à l’alimentation. La nourriture ne manque pas. Les denrées alimentaires n’ont jamais été aussi abondantes, et les disponibilités devraient permettre à chacun des 6 milliards d’habitants de la planète de disposer d’au moins 2 700 calories par jour. Mais il ne suffit pas de produire des aliments. Il faut encore qu’ils puissent être achetés et consommés par les groupes humains qui en ont besoin. Ce qui est loin d’être le cas. Chaque année, 30 millions de personnes meurent de faim. Et 800 millions souffrent de sous-alimentation chronique.
Là encore, rien d’inéluctable. Les déficits climatiques sont souvent prévisibles. Lorsqu’elles ont la possibilité d’intervenir, des organisations humanitaires comme Action contre la faim (3) peuvent enrayer une famine naissante en quelques semaines. Et cependant la faim continue de décimer des populations entières.
POURQUOI ? Parce que la faim est devenue une arme politique (4). Désormais, nulle famine n’est gratuite. Une véritable stratégie de la faim s’est mise en place, conduite avec une incroyable indécence par des dirigeants ou des organisations que la fin de la guerre froide a privés d’une rente financière. Comme l’écrit Sylvie Brunel : « Ce ne sont plus les peuples ennemis, les peuples à conquérir, qui sont affamés, mais les propres populations de ceux qui veulent capter à leur profit ces nouvelles mannes des conflits que sont les projecteurs médiatiques et leur corollaire, le déchaînement de la compassion internationale, source inépuisable d’argent, de nourriture et de tribunes publiques pour exposer ses revendications. »
En Somalie, au Soudan, au Liberia, en Corée du Nord, en Birmanie ou en Afghanistan, des responsables gouvernementaux ou des chefs de guerre prennent en otage des innocents, les affamant pour atteindre des objectifs politiques. Parfois avec une extrême cruauté, comme en Sierra Leone, où les hommes du Rebel United Front (RUF), de l’ex-caporal Foday Sankoh, mènent depuis un an une effroyable campagne de terreur, en amputant systématiquement, à la machette, les mains des paysans pour les empêcher de cultiver. Finalement, le rôle du climat dans les grandes famines est devenu marginal : c’est désormais l’homme qui affame l’homme.
Connu pour ses travaux, dans lesquels il montre comment les politiques de certains gouvernements peuvent causer des famines même quand les aliments abondent, le professeur Amartya Sen, qui vient de recevoir le prix Nobel d’économie, affirme : « L’un des faits les plus remarquables de la terrible histoire de la faim, c’est qu’il n’y a jamais eu de famine grave dans aucun pays doté d’une forme démocratique de gouvernement et possédant une presse relativement libre (5) . » S’opposant aux thèses néolibérales, M. Sen estime qu’il faut donner à l’Etat, et non au marché, une plus grande responsabilité dans la promotion du bien-être de la société. Un Etat qui soit à la fois sensible aux besoins de tous ses citoyens et préoccupé, à l’échelle planétaire, par le développement de toute l’humanité.
(1) PIB : valeur de la production globale (biens et services) d’un pays.
(2) Cf. Rapport mondial sur le développement humain 1998, Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), New York, septembre 1998. Lire aussi Dominique Vidal, « Dans le Sud, développement ou régression ? », Le Monde diplomatique, octobre 1998.
(3) 4, rue Niepce, 75014 Paris. Mél : ir@acf.imaginet.fr
(4) Lire Sylvie Brunel et Jean-Luc Bodin, Géopolitique de la faim. Quand la faim est une arme... (rapport annuel d’Action contre la faim), PUF, Paris, 1998, 310 pages, 125 F.
(5) El Pais, Madrid, 16 octobre 1998.