123 ans et le discours colonialiste français persiste et signe.

Publié le par hort

28 juillet 1885, 28 juillet 2008, de Ferry à Sarkozy, de la Gauche à la Droite: 123 ans et le discours colonialiste français persiste et signe.
Gilbert Léonard

Nous n'avons cure des contorsions de sieur Guaino dans Le Monde pour tenter d'atténuer le discours prononcé à Dakar par le président élu de
la République Française.
 (
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2008/07/26/henri-guaino-toute-l-afrique-n-a-pas-rejete-le-discours-de-dakar_1077506_3232.html). Le président de la République Française s'est approprié l'idéologie exprimée dans ce discours. S'il n'en épouse pas l'idéologie, c'est à lui et à lui seul de faire des excuses publiques.

Celui qui a écrit le discours n'est qu'un rédacteur professionnel. Il a répondu à une "commande" et il l'a très certainement fait en respectant la pensée du donneur d'ordre.  S'il en était autrement, cela signifierait que le Président lit n'importe quoi ou qu'il obéit à d'autres ordres et que ce n'est pas lui qui dirige le pays !

Si le Président de la République Française acceptait d'entendre qu'il avait choqué les Africains, s'il avait le moindre respect pour les Africains, alors il aurait exprimé personnellement des excuses solennelles, formelles et publiques aux Africains, sans fioritures, sans malice aucune. Au lieu de cela, il autorise un Guaino à récidiver et affirmer que le discours de Dakar n'a rien enlevé de l'Histoire à l'Afrique. Oubliée la petite phrase-injure "Le problème de l'Afrique, c'est de cesser de toujours répéter, de toujours ressasser, de se libérer du mythe de l'éternel retour, c'est de prendre conscience que l'âge d'or qu'elle ne cesse de regretter, ne reviendra pas pour la raison qu'il n'a jamais existé".

Pourtant le mythe de l'éternel retour est fortement enraciné à un autre peuple non Africain qui ne bénéficie pas étrangement de ces mêmes conseils d'ami. Pourtant l'âge d'or a bel et bien existé, et un illustre fils de l'Afrique l'a magistralement démontré, il s'appelle Cheikh Anta Diop.  Mais son nom est étonnamment absent du discours tenu pourtant dans l'enceinte de l'université qui porte son nom, puisqu'il s'agit de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar (UCAD). On comprend alors la malice assassine par omission. On comprend alors l'appel aux jeunes à ne pas suivre leurs aînés: " ne regardez plus, comme l'ont fait trop souvent vos aînés, la civilisation mondiale comme une menace pour votre identité "

Le mépris ressassé à l'encontre des Africains par l'homme qui est désormais élu président de la France est on ne peut plus clair. Le 04 décembre 2005, il avait déclaré: "M. Finkielkraut est un intellectuel qui fait honneur à l’intelligence française et s’il y a tant de personnes qui le critiquent, c’est peut-être parce qu’il dit des choses justes". C'était à la suite des propos explosifs tenus par ce Monsieur dans le journal israélien Haaretz le 18 novembre 2005;
les médias avaient choisi de focaliser sur l'extrait "l'équipe de foot black, black, black".

Ils avaient oublié le reste:

"... mon père est rentré d’Auschwitz en France. Ce pays mérite notre haine. Ce qu’il a fait à mes parents était beaucoup plus brutal que ce qu’il a fait aux Africains. Qu’a-t-il fait aux Africains ? Il n’a fait que du bien. Mon père, il lui a fait vivre l’enfer pendant 5 ans. Et on ne m’a jamais enseigné la haine. Aujourd’hui la haine des Noirs est encore plus forte que celle des Arabes ..."

On encore:

"... on change l’enseignement de l’histoire coloniale et de l’histoire de l’esclavage dans les écoles. On y enseigne aujourd’hui l’histoire coloniale comme une histoire uniquement négative. On n’enseigne plus que le projet colonial voulait aussi éduquer, apporter la civilisation aux sauvages …"

On mesure alors toute la continuité du discours sarkozyen, sans rupture aucune, avec les discours des intellectuels colonialistes. Tel ce discours de Jules Ferry prononcé il y a 23 ans, le 28 juillet 1885, devant la Chambre des députés et intitulé « Les fondements de la politique coloniale » (source:
http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/Ferry1885.asp)
 
"Sur le terrain économique, je me suis permis de placer devant vous, en les appuyant de quelques chiffres, les considérations qui justifient la politique d'expansion coloniale au point de vue de ce besoin de plus en plus impérieusement senti par les populations industrielles de l'Europe et particulièrement de notre riche et laborieux pays de France, le besoin de débouchés
...
Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! il faut dire ouvertement qu'en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. Si la déclaration des droits de l'homme a été écrite pour les noirs de l'Afrique équatoriale, alors de quel droit allez-vous leur imposer les échanges, les trafics ? ..Je répète qu'il y a pour les races supérieures un droit, parce qu'il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures ..."

Il faut rappeler la "Conférence de Berlin pour le Partage de l'Afrique" s'était achevée cinq mois auparavant le 26 février 1885. 122 ans après ce discours institutionnel sur les "races supérieures et races inférieures" justifiant "l'expansion coloniale civilisatrice" dans le contexte du partage du continent africain, le discours du 26 juillet 2007 à Dakar n'est pas anodin. Il faut le situer dans le contexte d'une Europe qui se retrouve à nouveau en crise et en concurrence avec des pays potentiellement plus forts. La création de l'Union Pour la Méditérranée (UPM) apparaît comme l'organisation d'un monstrueux prédateur de l'Afrique.

La connaissance et la mémoire du passé est nécessaire pour la survie. Les Africains n'écouteront pas ceux qui leur demandent d'oublier le passé mais qui ressassent sans cesse leur passé à eux partout et en tout lieu: les commémorations et fêtes nationales, les monuments, les noms de rues et noms de lieux, dans les écoles, les magazines, etc.

L'Afrique a le droit de se défendre.

Publié dans African diaspora

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